jeudi 25 février 2010

1968, Die Unbequeme Zeit


Ce mois-ci, le Goethe Institut de Tbilissi propose une exposition photo sur un photographe allemand du 20e siècle, Michael RUETZ.
Cet homme né en 1940 à Berlin a été surtout reconnu dans un premier temps comme le photographe des mouvements de contestations étudiants en RFA à la fin des années 1960. Mais il parcourut aussi le monde pour témoigner de mouvements de protestation politique, en Grèce, au Chili, au Portugal.... Même si il ne faut pas limiter l'oeuvre du photographe à ces simples paramètres, ce sont tout de même eux qui ont été choisis pour encadrer cette exposition.

"1968, Die Unbequeme Zeit", que l'on peut traduire littéralement "1968, l'époque dérangeante" consacre tout un espace à des photographies, noir et blanc, relatant les révoltes étudiantes en Allemagne à la fin des années soixante, notamment au sein de la Freie Universität de Berlin. Michael RUETZ remplit ici une double missions au service de celui qui observe et découvre ses clichés: une mission artistique et une mission pédagogique.

Une mission artistique d'abord, la succession de ces prises de vue en noir et blanc, de visages, de foules manifestantes reflète une émotion palpable comme la passion de Rudi Dutschke à la tribune ou bien la peur et la honte de ce policier, en gros plan, cachant son visage grâce à ses énormes gants. La révolte, qui est certainement, le sentiment que l'on perçoit comme le plus présent est renforcée par le mouvement qui est très souvent suggéré dans les clichés de M. RUETZ, cette volonté pour ses sujets d'agir perpétuellement.

Mais, au-delà de cette dimension artistique évidente, le spectateur ne peut passer à côté de la dimension pédagogique de l'oeuvre de M.RUETZ, dimension qui est nécessairement servie par la portée artistique de son travail. En effet, par cette exposition le quidam s'interroge sur ces évènements qui lui sont relatés, sur l'assasinat de Benno Ohnesorg, source de tant de révoltes, sur le discours de Herbert Marcuse qui soulève tant de passions au sein de son auditoire... C'est une page de l'Histoire allemande qui est exposée et que l'on demande à comprendre, saisir dans ces locaux du Goethe Institut mais aussi de l'Histoire universelle.
Cette exposition consacre donc une grande partie de son espace aux évènements qui se sont déroulés en Allemagne entre 1967 et 1975, mais la deuxième salle de l'exposition est présente comme pour montrer que ces mouvements de protestations, cette volonté d'agir politiquement était présente dans de nombreux endroits à cette époque, au Chili avec l'élection de Salvador Allende, en Grèce devant le général Papadopoulos, au Portugal en écrivant "A Vitoria é difficil"...

M. RUETZ témoigne ici d'une époque avec ses actions, ses engagements, mais aussi ses scènes quotidiennes, comme ces femmes assises devant la devanture d'un cordonnier de Karl-Marx Allee qui pouvant paraître banales délivrent une émotion forte. Une vraie complémentarité s'opère alors entre les manifestations et la vie de tous les jours. Puis, quelques clichés témoignent enfin de l'engagement d'artistes comme Joseph Beuys, artiste contemporain qui concevait son travail de création en questionnant sans cesse la société, la politique, l'humanisme...

Ainsi, l'exposition du Goethe Institut est en quelque sorte un voyage dans l'Histoire d'une époque en mutation politique, en montrant ses violences, ses engagements face au pouvoir mais aussi son quotidien. Le message politique d'une telle oeuvre est évident, comme si à travers plusieurs régions du monde, Michael RUETZ avait voulu interroger les failles de ces dictatures et de ces démocraties...